La bd est un long fleuve tumultueux…

Bon… pas si tumultueux, mais long, ça oui!

C’était en 2016, je travaillais souvent à l’Étincelle, un chaleureux café montréalais, afin de m’oxygéner les neurones.  J’aimais observer et esquisser les gens, comment ils se tiennent, comment ils s’habillent.  Et par-dessus tout, j’aimais ce bruit blanc très spécial, fait de la machine à café qui tourne à plein régime, du brouhaha de la rue et des potins de la table d’à côté.  Bref, rien de mieux pour faire avancer ma créativité.

C’est à cet endroit que Fadi, un habitué, m’a approché.  Mes aquarelles l’avaient interpellé. On a sympathisé.  

Nous parlions de tout et de rien, de culture, de psychologie…  et de la famille aussi.  Visiblement, on avait des points d’interêt commun.

Passaient les mois, les saisons et venaient les confidences, dès que les défenses tombaient une à une.  Fadi m’a raconté son enfance libanaise sous les bombes, sa vie de jeune homme mal dans sa peau dans une famille stricte et traditionaliste.  Il m’a parlé de son grand secret, de ce mot resté pris dans sa gorge toute sa jeunesse.  Puis du départ déchirant de son pays, de cette famille qu’il a dû quitter pour préserver les honneurs, de son arrivée ici et de son désir d’adaptation.  

Il le faisait si bien, que tout autour de moi, de nous, disparaissait.  Je n’étais plus au café, j’étais avec lui pendant les bombardements ou sous le figuier du jardin familial, je comprenais sa solitude, son désarroi.  C’était une connexion inédite, surprenante et je n’osais pas bouger ni respirer, de peur que ce moment nous échappe.  J’étais reconnaissante de la confiance qu’il me faisait.  Son  histoire résonnait avec quelque chose de très profond en moi, même si on avait vécu des vies à des années lumières l’une de l’autre.

Et j’ai tout de suite commencé à voir des scènes, des cases, des bulles…  Il me fallait faire quelque chose de bédéesque avec tout ça.  Comme tous mes projets, la pulsion était très forte.  

Fadi me faisait souvent des dessins des choses son enfance.  Je les ai tous gardés.  Il m’envoyait aussi beaucoup de visuel, pour nourrir la bd.

Des heures de plaisir à chercher le style et a rapiécer ce scénario!

La scénarisation

Fadi a immédiatement dit oui!

Il a pris le temps de renouer avec son passé et s’amuser à raconter ces moments qui l’ont marqué.  On a travaillé fort, je devais tout lui apprendre en accéléré du métier de scénariste bd.  Mais il a été bon joueur, il était prêt, il était mûr pour cette aventure à quatre mains.  Je me souviendrai toujours de cette image de lui, un après-midi sombre d’automne où je suis passé devant le café et il était là, concentré, investi de cette mission de création.  Je l’avais observé à travers la vitrine.  Je me souviens que ça m’avait rendu fière de nous deux, de tout ce travail qu’on accomplissait ensemble.

Découpage de scènes

Alors voici, je vous le présente, ce roman graphique qui nous aura pris du temps, comme un long fleuve.  Cinq ans de création, ce n’est pas rien!

La fin du commencement, Fadi Malek, Anne Villeneuve

Nouvelle Adresse

184 pages

Une joli article dans L’actualité

Ah, et dans La Presse

Ce qu’en pense Les libraires

 Et ce bel article sur Fadi